Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fourni des mémoires et des documents sur tous les personnages illustres de ce temps. Désormais tout écrivain qui entreprendra l’histoire du goût et de la pensée au dix-septième siècle devra profiter de ses veilles ; il n’aura plus qu’à tailler et à assembler les matériaux que M. Cousin a tirés de la carrière et dégrossis.

Cet amour des textes et ce goût du détail appliqués à la critique littéraire ont produit deux œuvaes fort belles, la restitution des Pensées de Pascal et le Commentaire du Vicaire savoyard. Le premier, il a eu la patience de déchiffrer l’indéchiffrable manuscrit de Pascal, de deviner les abréviations, les renvois, les mots demi-effacés, demi-formés, de comparer mot à mot le texte vrai avec les éditions publiées, de noter ligne par ligne toutes les erreurs, tous les contre-sens, toutes les fautes de goût des éditeurs, de montrer le plan de l’ouvrage, d’en marquer l’esprit, et de ranimer enfin la figure souffrante, passionnée et sublime de Pascal. Cette opposition perpétuelle du texte vrai et du texte mutilé est la meilleure leçon de style ; on y voit clairement et sans phrases ce que c’est que le génie : c’est comme si l’on comparait le tableau d’un grand maître avec le carton de ce tableau. Le récit des ratures, des changements, des corrections que faisait Pascal, introduit le lecteur dans le laboratoire de l’éloquence : ce mot ajouté est un accès