Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/222

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listes qui commençaient à lever la tête ; il aima la liberté pour lui-même, et défendit contre Rome les privilèges français, qui étaient les siens. Il ne fut pas évêque, mais c’est qu’il préféra jouir à Paris des triomphes de son éloquence. D’ailleurs on lui trouvait plus de talent pour prêcher que pour agir. Sa biographie ne dit pas s’il fut directeur de femmes ; en tout cas, il n’eût accepté que les plus illustres pénitentes ; quoique roturier, il aimait les nobles et n’aurait voulu donner son avis que sûr les grandes aventures du cœur. Un jour, par hasard, Mme de Longueville vint écouter son sermon ; la belle pénitente pleura, et tout le monde confessa que le prédicateur s’était surpassé. Mme de Sévigné, qui était là, manqua de se convertir, et l’écrivit à sa fille. Lorsque Bossuet eut quitté la chaire son illustre élève passa pour le plus grand orateur de France. Il ranima le courage de Louis XIV pendant les revers de la guerre d’Espagne. Il tonna contre l’impiété naissante, et se retira du monde quand il vit que le courant de l’opinion publique avait tourné. Dans sa retraite, il réfuta les premiers ouvrages de Voltaire, et mourut laissant vingt volumes qui sont devenus classiques et que les élèves de rhétorique apprennent par cœur en même temps que les oraisons funèbres de Bossuet.