Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/23

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Donc il détruit les principes de la morale, qui sont des vérités absolues. Il est donc, athée, sceptique, immoral ; c’est une ruine universelle. Voilà les conséquences qu’entraîne la philosophie du fini ; il faut ramener l’infini dans l’univers et dans la science. Sans l’infini, point de fini ; car le fini n’étant fini que par quelque autre fini, ne saurait se soutenir par lui-même. L’infini est le primitif ; le fini est le dérivé. Oter l’infini du fini, c’est supprimer le fini avec l’infini. Vous ne pouvez vous tirer de là. Mais adieu ; trois de mes amis m’attendent ; nous devons discuter aujourd’hui la manière dont l’intelligence passe du moi au non-moi, et du subjectif à l’objectif. »

Le pauvre disciple de Laromiguière, un peu confus et inquiet, monta à la bibliothèque de la Sorbonne, et pour se rassurer ouvrit le premier volume de son professeur. « Serait-il bien possible, disait-il, que la doctrine de mon cher maître renfermât de si étranges conséquences ? » Et il relut les passages suivants :

L’harmonie admirable qui règne sur la terre et dans les cieux force la raison à reconnaître une intelligence suprême qui a tout disposé avec une souveraine sagesse.

L’idée de Dieu sera à l’épreuve de toutes les attaques, si elle s’appuie sur le sentiment. Du sentiment de sa faiblesse et de sa dépendance, l’homme ne s’élèvera-t-il pas par un raisonnement inévitable à l’idée de la souveraine indé-