Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/231

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vait et qu’il comptait. M. Cousin avait examiné devant lui l’origine des idées et quelques points de psychologie : c’en fut assez ; sorti de l’école, il se mit au travail, « dévoré de l’ardeur de la science, de la foi en lui-même, » jetant les livres, trouvant la psychologie à mesure qu’il l’enseignait. Il s’attacha à ce livre intérieur comme les puritains à la Bible. Il y lut avec la pénétration et l’obstination qui font les inventeurs et les fanatiques. Il s’y enfonça avec l’enthousiasme de la jeunesse et la violence de la passion. « C’étaient des journées, des nuits entières de méditations dans ma chambre ; c’était une concentration d’attention si exclusive et si prolongée sur les faits intérieurs, où je cherchais, la solution des questions, que je perdais tout sentiment des choses du dehors, et que, quand j’y rentrais pour boire et manger, il me semblait que je sortais du monde des réalités et passais dans celui des illusions et des fantômes, » Personne n’est plus capable de passion que les hommes intérieurs ; on l’a bien vu chez les puritains d’Angleterre. Pour nous arracher aux distractions du dehors et aux intérêts sensibles, il faut des idées enflammées et dévorantes ; la force des résistances qu’elles surmontent mesure la force d’obsession qu’elles possèdent ; d’un homme elles font un moine ; et quand volontairement un laïque aujourd’hui se fait moine, c’est qu’il le veut de tout son