Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/236

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volution qu’il avait soufferte subsistait en lui par des retentissements si forts qu’il y voyait l’explication de tout le présent et la prédiction de tout l’avenir[1]. À son avis, l’incertitude des gouvernements contemporains, l’impatience des peuples modernes, la fragilité de toutes nos charpentes sociales et de toutes nos machines politiques, n’ont d’autre cause que la chute du christianisme et l’attente d’une religion nouvelle. Ailleurs, comparant les différentes poésies, il n’en trouve qu’une digne de ce nom, la poésie lyrique, parce qu’elle seule exprime les grandes et intimes douleurs de l’âme. Un critique a remarqué qu’involontairement sous sa plume le mot mélancolique revenait sans cesse. Il achevait son cours d’esthétique par l’aveu du même sentiment : « À la vue d’un arbre sur la montagne battu par les vents, nous ne pouvons pas rester insensibles : ce spectacle nous rappelle l’homme, les douleurs de sa condition, une foule d’idées tristes[2]. » À vous, peut-être ; mais combien d’hommes n’y verront rien de semblable, et combien d’artistes n’y verront qu’un sujet de tableau ! — Poursuivi par une douleur fixe, il l’épanchait jusque dans une distribution de prix. L’endroit et la circonstance demandaient un lieu commun officiel et banal ; il parla d’un ton passionné

  1. Cours de droit naturel. Du scepticisme actuel, p. 173.
  2. Esthétique, p. 322.