Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus attachante que le Cours de droit naturel. Les réfutations, principalement, sont admirables ; il est impossible de mieux posséder son sujet, de pénétrer plus complètement le fort et le faible des systèmes, de mettre plus exactement et plus visiblement le doigt sur l’origine des sophismes, de démêler et de corriger plus sûrement les déviations par lesquelles une doctrine vraie fléchit et va se perdre dans l’erreur. On prend courage, et on estime la raison humaine, quand on la voit si assidûment victorieuse, si assurée dans sa démarche, capable de surmonter tant de si grands obstacles, pourvue de tant de finesse, de rectitude, de solidité et d’attention. Ces sortes de livres font honneur à l’homme ; et si le Cours de droit naturel était écrit en style exact, on pourrait le lire à côté des Provinciales de Pascal.

L’amour du vrai avec la force de prouver donne le courage d’être sincère. Il y a des philosophes qui croiraient se discréditer en avouant que leur science a des obscurités et que leur vue a des bornes ; ils auraient honte de fléchir sous un doute, ou de rester courts devant une objection ; ils goûtent l’admiration aussi vivement que les coquettes ; pour la garder entière, ils simulent des explications, comme elles achètent de fausses dents. Autour de M. Jouffroy, on écrasait le scepticisme, sans laisser dans le monstre la moindre partie saine ; M. Jouffroy, quoique philosophe officiel, osait dire que sa tête