Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/27

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d’autres procédés et plus d’efforts. De cette philosophie si lestement démolie, il subsiste plusieurs constructions intactes ; je voudrais les montrer, avant d’examiner la solidité de la bâtisse si bien décorée, où l’éducation présente nous fait entrer, où l’autorité des maîtres nous enferme, où les convenances et les traditions nous confinent. L’édifice du dix-huitième siècle, quoique désert, est encore habitable, du moins en partie. Le lecteur ne refusera pas de s’arrêter devant le dernier de ses architectes et le plus aimable de ses habitants.

II


Les hommes qui l’ont connu disent que sa conversation avait un charme dont on ne pouvait se défendre, et ses leçons furent une conversation. Il n’avait jamais l’air d’être en chaire ; il causait avec ses élèves comme un ami avec ses amis. Ses gestes étaient rares, son ton doux et mesuré, et, pendant que ses yeux s’éclairaient de la lumière de l’intelligence, sa bouche, demi-souriante et parfois moqueuse, ajoutait les séductions de la grâce à l’ascendant de la vérité. Il était dans la philosophie comme un homme du monde dans sa maison ; il en faisait les honneurs avec un bon goût et une politesse exquise ; il allait au devant de ses hôtes,