Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/272

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vous avez distingué ces facultés des faits, et vous les avez changées en choses réelles, forces actives attachées autour de la substance, invisibles créatrices des faits visibles. À l’instant elles ont pris une importance énorme. Les faits n’ont plus été considérés que comme un moyen de les découvrir. Quelles sont-elles ? Y en a-t-il trois ? Y en a-t-il quatre ? Comment agissent-elles les unes sur les autres ? Comment sont-elles liées à la substance ? Comment un fait les détermine-t-il à agir ? Un homme d’esprit, votre unique successeur, a passé sa vie à en distinguer vingt-cinq ou trente, à compter les trente ou quarante inclinations primitives, à démêler en nous l’instinct de monter sur les lieux élevés. La science s’est encombrée de questions scolastiques. Vous l’aviez conduite hors du chemin dans une broussaille ; elle y est encore ; les physiologistes à qui l’on parle de psychologie se mettent à rire, citent Molière, l’opium qui fait dormir parce qu’il a une vertu dormitive ; l’homme qui perçoit les objets extérieurs parce qu’il a la faculté appelée perception extérieure ; l’âme qui ressent l’émulation parce qu’elle apporte en naissant un penchant à l’émulation ; l’esprit qui connaît les objets infinis parce qu’il possède la raison, faculté de l’infini. Plusieurs fois nous avons eu honte, et si vous causiez souvent avec des médecins, vous seriez aussi embarrassé que nous.