Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/305

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et à l’orgueil ; elle accepte et limite la discussion et l’indépendance ; si elle trace un cercle autour de l’homme, elle lui permet de s’y agiter. M. Jouffroy ne la jugea pas oppressive. D’ailleurs, au moment où il la reçut, elle était dans tout son éclat. Mandeville paraissait à peine. Voltaire n’avait point encore acéré et multiplié les doutes de Bolingbroke. Les sceptiques étaient une secte isolée, non un parti populaire. Si quelques savants attaquaient la révélation, des savants plus nombreux défendaient la révélation. Le savant Boyle avait pu, sans ridicule, léguer une somme d’argent pour faire prêcher huit sermons par an « contre les athées, les déistes, les païens, les mahométans et les juifs. » Newton commentait l’Apocalypse, et le célèbre mathématicien Barrow ne lui avait cédé sa chaire que pour entrer dans la prédication. Enfin, le protestantisme, qui venait de chasser les Stuarts et d’abolir la monarchie absolue, paraissait le gardien de la Constitution et le libérateur du peuple. M. JoufTroy demeura dans cette religion, qui fournissait un aliment à sa foi sans fermer la carrière à sa logique, qui s’appuyait sur la science nouvelle, au lieu d’être ébranlée par la science nouvelle, qui défendait la liberté au lieu de soutenir la tyrannie, et qui, tolérante, accréditée, nationale, convenait à son patriotisme, à son orgueil et à sa raison.

Tranquille de ce côté, il se tourna vers la philo-