Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/306

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sophie, emploi naturel d’un esprit concentré et d’un homme intérieur. Il n’y chercha point la règle, mais l’occupation de sa vie. Il la laissa philosophique, et ne la voulut point religieuse. Il ne lui demanda point la voie du salut, mais le chemin de la vérité. Plus désintéressé, il fut plus libre. Il se proposa en curieux de constater et de classer les idées, les sentiments et leurs lois, et ne se proposa pas autre chose. Il donna pour but à la psychologie la psychologie, et ne permit pas aux questions métaphysiques de diriger sourdement ses recherches, et de pervertir par degrés ses observations.

Il avait dix-sept ans quand parurent les Principes de Newton ; sept ans plus tard, il lut l’Optique. Les sciences naturelles tout d’un coup devenaient adultes, et la Société Royale semblait la capitale du monde pensant. L’enthousiasme public porta les esprits vers l’étude de la nature extérieure, et M. Jouffroy, comme tout le monde, devint physicien. Ce fut un bonheur pour lui ; délivré de la concentration violente qui l’emprisonnait en lui-même, et habitué à considérer les forces comme des lois et des qualités des choses, il ne prétendit point que les forces fussent des êtres, ni que l’âme fût une force. Il laissa les monades fleurir en Allemagne, et ne voulut observer que les faits.

Il suivit Locke, dont les Essais avaient paru. Plus systématique, plus attentif, plus pénétrant,