Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/31

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d’eux ce qu’ils cherchaient si loin et dans les autres, et les laisse satisfaits d’eux, contents du maître, enrichis d’une idée claire, et munis d’une leçon de patience et de discrétion.

Cet art d’animer les dissertations et de mettre la philosophie en dialogue indique une verve secrète et une imagination capable de peindre aux yeux les objets. Lorsque le cours de la logique portait le professeur d’analyse vers des endroits plus riants et plus agréables, il ne s’en détournait pas ; il consentait parfois à ramasser sous ses pas quelques fleurs littéraires ; il choisissait volontiers celles qui, simples et populaires, pouvaient se montrer sans disparate au milieu des raisonnements psychologiques, comme un bluet dans une gerbe d’épis mûrs. Il raillait les métaphysiciens amateurs de métaphores, pour qui « l’entendement est le miroir qui réfléchit les idées, » et qui définissent la volonté « une force aveugle guidée par l’entendement, éclairée par l’intelligence. » Mais au même instant il joignait l’exemple au précepte, et disait dans ce style choisi dont ses maîtres lui avaient donné le modèle :

L’homme est porté à tout animer, à tout personnifier, à mettre quelque chose d’humain jusque dans les objets qui ont le moins de rapport à sa nature. À la source d’un ruisseau, il a placé une jeune fille, une nymphe, dont l’urne penchante verse l’eau qui doit arroser le gazon des