Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/312

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Cette préférence pour la morale a rassemblé toutes les recherches de M. Jouffroy autour du « problème de la destinée humaine. » Elle a perverti sa réponse par une équivoque[1] involontaire, et l’a arrêté sur le seuil, dans un préjugé théologique d’où il n’est point sorti.

Ce goût pour l’abstraction a persuadé à M. de Biran de transformer en substances les forces, simples qualités ou rapports abstraits, de considérer la volonté comme l’âme, de changer l’étendue en une apparence, et de ressusciter les monades de Leibnitz.

Ce goût pour l’abstraction, après avoir promené M. Cousin dans le panthéisme, a réduit sa philosophie à un monceau de phrases inexactes, de raisonnements boiteux et d’équivoques visibles ; en sorte que, lorsque l’amour du dix-septième siècle lui eut plus tard enseigné le style simple, ses doctrines n’ont plus eu d’appui que le préjugé public, sa gloire de philosophe et son génie d’orateur.

Ce goût pour l’abstraction, après avoir égaré M. Jouffroy parmi les monades de M. de Biran, l’a conduit à considérer les facultés comme des choses réelles, véritables objets de la psychologie ; à emprisonner la psychologie dans une question de

  1. Le double sens du mot destinée.