Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont-elles des dates ? Tout se fond et s’harmonise en lui, sous l’étoffe souple et brillante de l’éloquence continue et du raisonnement fragile. Qui eût pu le découvrir et le saisir sous cette multitude de formes dont il ne désavouait aucune, dont les oppositions le servaient, qui toutes lui fournissaient un refuge ? Qui eût pu résister au charme ? Qui n’eût été ravi de respirer tant de bouquets philosophiques, si bien choisis, si bien formés, si éclatants, si habilement présentés par une main si légère, si variés, et pourtant variés par des transitions si fines, que tout le monde croyait n’en sentir qu’un seul ?

La révolution de 1830 survint, et le parti de M. Cousin monta au pouvoir. Bientôt M. Cousin fut ministre ; l’éclectisme devint la philosophie officielle et prescrite, et s’appela désormais le spiritualisme. Rien de plus aisé qu’un nom à faire ou à défaire ; le dictionnaire est riche, et le dictionnaire manquant, on peut inventer. Refaire des doctrines est plus difficile, et il fallait en refaire. On s’était trouvé panthéiste en 1828, très-mauvais chrétien[1], jusqu’à considérer le christianisme comme un symbole dont la philosophie démêle le sens, bon pour le peuple, simple préparation à une doctrine plus claire et plus haute. Tout cela était

  1. Cours de 1828. Introduction l’histoire de la philosophie, 2e leçon, p. 59, 60 ; 5e leçon, p. 138, 139, 140, etc.