Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/327

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à propos, dans l’opposition, de la part d’un homme isolé, écrivain indépendant, et qui portait seul le faix de ses opinions. Rien de tout cela n’était plus à propos, maintenant que l’enseignement descendu d’en haut, officiel et public, devait convenir aux pères de famille et au clergé. Sous cette pression, et grâce à la lecture assidue du dix-septième siècle, on prit le panthéisme en horreur et le christianisme en vénération. On retrancha, dans les écrits publiés, quelques phrases malsaines, trop frappantes. On essaya de donner un sens tolérable à celles qui n’étaient que douteuses. On devint à peu près cartésien, plus volontiers encore partisan de Leibnitz, par cette raison excellente que Leibnitz est le plus loin possible de Spinoza. On oublia d’autres paroles très-expressives, trop expressives, qu’on avait autrefois jetées contre le christianisme, que les critiques n’osent citer, et dont tous les contemporains se souviennent. On finit par faire des avances au clergé, présenter la philosophie comme l’alliée affectueuse et indispensable de la religion, offrir le dieu de l’éclectisme comme une base « qui peut porter la trinité chrétienne, » et l’éclectisme tout entier comme une foi préparatoire « qui laisse au christianisme la place de ses dogmes, et toutes ses prises sur l’humanité[1]. » Il eût été bien difficile de

  1. Cours de l’hist. de la phil. moderne, 1815 à 1820 ; 3e édition, préface.