Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/329

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tion, et autrefois trempé dans la phrénologie ; celui-là homme du monde et littérateur ; un autre grand ami de Kant, un autre moins dédaigneux pour Hégel ; il n’y a là que des différences de lectures et de caractères. — D’autres causes de durée sont plus fortes. D’abord la doctrine, telle qu’elle est aujourd’hui, est fort voisine du christianisme, et recueille naturellement tous ceux qui en tombent. Nul oreiller n’est plus doux, plus semblable au paisible lit qu’on vient de quitter, meilleur pour retenir ceux qui n’aiment pas à courir les aventures de l’esprit. De plus, elle s’appuie sur les plus beaux écrits de la langue, et sur une suite de grands penseurs. Quand on a pour évangile les Méditations, et pour apôtres Descartes, Bossuet, Fénelon, Leibnitz et Malebranche, on a beaucoup de crédit. D’ailleurs, ces écrivains sont clairs, et M. Cousin imite aujourd’hui leur style ; or, chacun sait qu’en France la clarté est le plus puissant argument. Enfin, en matière d’idées, le Français est naturellement discipliné, fort différent des Allemands qui réfléchissent chacun à sa façon et chacun dans son coin, très-docile aux opinions courantes, très-paresseux contre les opinions nouvelles, très-grognon quand on dérange ses habitudes, et qu’au lieu de réciter il est contraint de penser. Toutes ces raisons semblent annoncer qu’on énumérera longtemps encore les trois facul-