Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/33

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mots et les nuances des expressions ; il enseigne aux gens le français qu’ils croient avoir appris, et la logique qu’ils pensent savoir de naissance. Rien de plus agréable que ces fines distinctions et ces ingénieuses analyses. La science n’a pas coutume d’avoir tant d’aisance, ni la psychologie tant de grâce ; et ce qui ajoute à leur prix, c’est qu’elles ne font point sortir le public du terrain où il a coutume de se tenir ; elles semblent le complément d’un cours de langue ou de littérature ; l’auteur décompose une fable de La Fontaine pour faire le catalogue des opérations de l’esprit ; une phrase de Buffon, pour prouver que tout raisonnement est un composé de propositions identiques. Les grands auteurs font cercle autour de sa chaire ; il en descend le plus souvent qu’il peut et leur cède la parole ; il prétend qu’ils sont les meilleurs maîtres d’idéologie, et que leur style est toute une logique. Il nous renvoie à leurs livres, il ramène la philosophie à l’art d’écrire, et, à force de se rapprocher d’eux, mérite presque d’être rangé à côté d’eux.

III


Son système ressemble à son esprit ; il est plutôt clair et ingénieux que profond ou nouveau. Le point principal est la distinction de la sensation