Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/332

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les raisonnements qui depuis trente ans passent pour bons, et nous les traiterons comme au dix-huitième siècle on traita ceux de Malebranche, de Leibnitz, de Descartes, avec cette différence qu’aujourd’hui le scepticisme est usé, que la pleine destruction ennuie, que les progrès de l’expérience ont amassé depuis cinquante ans des moitiés de science et des sciences entières, prouvées et solides, utiles pour bâtir la route, et des lumières grandioses, quoique fumeuses, érigées en Allemagne pour nous indiquer le but. De ce côté, toute espérance n’est pas perdue ; on est déjà bien revenu du rêve, des aspirations vagues et des grands mots ; la chute de vingt systèmes réformateurs nous a mis en défiance ; nous ne pensons plus que la poésie soit un instrument de précision, et nous commençons à soupçonner que le cœur est fait pour sentir et non pour voir. Victor Hugo et Lamartine sont des classiques, étudiés plutôt par curiosité que par sympathie, aussi éloignés de nous que Shakspeare et Racine, restes admirables et vénérables d’un âge qui fut grand et qui n’est plus. Nous admirons déjà moins les abstractions, les obscurités, le style solennel, les phrases à queue, les barbarismes. M. Cousin, un des premiers, s’est réformé, et emploie la langue de Descartes, qui ramènera peut-être la langue de Voltaire. Voici qu’on vient de déterrer le plus grand psychologue du siècle, Henri Beyle, qui avait manqué la popula-