Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/354

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changement d’état, mais en gros, sans détailler tout ce qui le compose. J’étais comme un voyageur placé sur le haut d’une montagne ; de loin il voit une tache grise et dit : « C’est Paris ; » le nom correspond à un fait ; mais le fait traduit le nom incomplètement. Ici intervient la seconde analyse ; il s’agit de remplacer la tache grise par un plan ordonné de toutes les maisons. Cette substitution est le vrai progrès des sciences positives ; tout leur travail et tout leur succès depuis trois siècles consistent à transformer les grosses masses d’objets qu’aperçoit l’expérience vulgaire en un catalogue circonstancié et détaillé de faits chaque jour plus décomposés et plus nombreux.

Comparez les deux traductions, la complète et l’incomplète, la moderne et l’ancienne, et vous apercevrez l’analyse, sa nature, ses instruments et ses effets :

« L’estomac change les aliments en bouillie. » Voilà la science ancienne ; elle tient en une ligne. Regardez ; le fait resserré va se déployer comme un éventail.

Avec des couteaux et des scalpels, on met à nu l’estomac, et on remarque que, lorsqu’il reçoit les aliments, il change de forme et de direction. Sa grande courbure se porte en avant et en haut. Il s’arrondit vers la partie épigastrique. La contraction et le relâchement alternatifs du bas de l’œso-