Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/389

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vient pas d’une chose extérieure, étrangère au monde, ni d’une chose mystérieuse, cachée dans le monde. Elle vient d’un fait général semblable aux autres, loi génératrice d’où les autres se déduisent, de même que de la loi de l’attraction dérivent tous les phénomènes de la pesanteur, de même que de la loi des ondulations dérivent tous les phénomènes de la lumière, de même que de l’existence du type dérivent toutes les fonctions de l’animal, de même que de la faculté maîtresse d’un peuple dérivent toutes les parties de ses institutions et tous les événements de son histoire. L’objet final de la science est cette loi suprême ; et celui qui, d’un élan, pourrait se transporter dans son sein, y verrait, comme d’une source, se dérouler, par des canaux distincts et ramifiés, le torrent éternel des événements et la mer infinie des choses. Par ces prévisions, on s’y transporte ; connaissant ses propriétés, on en conclut sa nature ; les métaphysiciens essayent de la définir sans traverser l’expérience et du premier coup. Ils l’ont tenté en Allemagne avec une audace héroïque, un génie sublime, et une imprudence plus grande encore que leur génie et leur audace. Ils se sont envolés d’un bond dans la loi première, et, fermant les yeux sur la nature, ils ont tenté de retrouver, par une déduction géométrique, le monde qu’ils n’avaient pas regardé. Dépourvus de notations exactes, pri-