Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/49

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l’avenir entre dans la pensée de l’homme, et avec lui, toute prévoyance, toute prudence, toute philosophie. » Le lecteur a déjà distingué le ton dominant de ce style. L’imagination imposante est impérieuse ; car, du haut de sa solennité majestueuse, elle a l’air de laisser tomber des oracles. La précision énergique est impérieuse ; car, par son exactitude concentrée, elle a l’air de prescrire des formules. Le style de M. Royer-Collard est celui d’un législateur des hommes et des événements.

C’est pourquoi il traite ses adversaires en coupables. Il est fâcheux d’être refuté par lui : le pauvre Condillac est si malmené, qu’il fait pitié. D’ordinaire, quand un philosophe prête des sottises à ses rivaux, il est généreux, et les méchants expliquent la chose en disant qu’il est en fonds. Mais les plus libéraux des philosophes, comparés à M. Royer-Collard, sont avares. Ce qu’il voit ou ce qu’il croit voir d’absurdités dans Condillac est prodigieux. Après l’avoir lu, on se demande pourquoi le docte abbé ne finit pas sa vie à Bicêtre ; et ses fautes sont relevées avec une rudesse, une roideur de conviction, une hauteur de mépris, une brièveté tranchante, un ton de juge, qui interdisent le doute et terrassent la résistance. Le dédain est d’autant plus fort, qu’il semble plus contenu, Après avoir exposé la confusion des qua-