Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/50

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lités premières et des qualités secondes : « C’est à cette erreur, dit M. Royer-Collard, que se réduisent quelques-unes des découvertes les plus vantées de la philosophie moderne. » Ailleurs, parlant des sceptiques, il raille amèrement et d’un geste la philosophie qui, par ses paradoxes, « soulage le vulgaire d’une partie du respect qu’elle exige de lui. » Au reste, ce style commandant ne fit point de lui un pédant gourmé. Il fut roi en philosophie, il ne fut point docteur. La science était nouvelle pour lui ; pour la première fois, il jouissait du plaisir d’enseigner ; pour la première fois, il jouissait du plaisir de construire et d’abattre. De là une verve et une ardeur qui ressemblent à de la jeunesse. Il invente vite et il invente beaucoup. Il se passionne et il montre sa passion. Il se concilie la sympathie en subjuguant les croyances. Il gagne ceux qu’il maîtrise ; il séduit ceux qu’il entraîne. On est content de voir cette belle source jaillir abondamment, à flots clairs et rapides, et lancer son eau impétueuse entre les rives solides du lit le plus régulier et le mieux construit. Telle est sa dernière force ; comptons-les toutes : le style simple et lucide qui met la science à la portée des ignorants ; la précision du langage qui imprime des convictions nettes ; la vigueur du raisonnement qui asseoit des convictions fortes ; les métaphores grandioses qui éclairent et domi-