Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/51

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nent l’imagination ; la volonté impérieuse qui asservit les esprits indécis ; la verve féconde qui séduit les esprits grondeurs. Personne n’eut une plus belle armée pour faire la conquête des opinions humaines. Personne n’eut une plus belle occasion pour faire la conquête des opinions françaises. M. Royer-Collard se mit en campagne, le 4 décembre 1811, et le spiritualisme commença.

Malheureusement, il partait dans de mauvaises dispositions et avec un mauvais guide.

Son siège était fait. Par religion et par inclination, il était l’ennemi de Cabanis et de Saint-Lambert. Il allait les combattre sur le dos de Condillac leur père. La psychologie à ses yeux n’était point un but, mais un moyen. Il analysait non pour analyser, mais pour réfuter les matérialistes et les sceptiques. Son penchant inné lui faisait une doctrine préconçue ; et toujours une doctrine préconçue fausse, invente ou omet les faits.

Son guide, honnête Écossais, esprit un peu étroit, très-sec et tout pratique, était arrivé par le plus singulier chemin à la voie qu’il avait ouverte. Poussé par Berkeley, puis par Hume, il arriva sur le bord du doute, il vit s’y engloutir l’esprit et la matière ; mais quand il vit sa famille précipitée avec le reste, il n’y tint plus : il cria aux philosophes qu’il voulait la garder ; il ne vou-