Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/54

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d’exister après notre sensation, qu’elle est la cause de notre sensation. Pourquoi ces jugements ? L’homme l’ignore. La science les constate et ne les explique pas. Ils contiennent deux sortes d’idées : celles de solidité et d’étendue, qui ont pour première et pour unique source notre communication avec le dehors ; celles de substance, de cause et de durée, qui ont pour première et pour unique source notre communication avec nous-mêmes : car, apercevant en nous la substance, la cause, la durée, nous les transportons dans le dehors par une induction involontaire et inexplicable, et nous constituons par elles le monde matériel[1]. Ainsi définie, la perception extérieure devient certaine, parce qu’elle est naturelle et forcée. Impérieuse et spontanée comme les connaissances de la raison et de la conscience, elle est digne de foi comme les connaissances de la raison et de la conscience. Ayant les mêmes effets et la même nature, elle a la même autorité et les mêmes droits. Des juge-

  1. Voici la théorie réduite en faits :

    Je suis un être ou substance. Je suis une cause, par exemple la cause de mes actions. Je dure depuis quelque temps, et je sais tout cela.

    Grâce à ces connaissances, quand je touche ce mur, je prononce qu’il est une substance, une cause, et qu’il dure comme moi. Pourquoi ? C’est un mystère.

    Je prononce de plus qu’il est étendu et solide ; ces deux dernières idées entrent en moi pour la première fois. Comment ? C’est un mystère.