Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/55

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ments inexplicables, une induction inexplicable, une certitude subie, à cela se réduit la science. Que l’homme se soumette à la croyance et se résigne à l’ignorance. Qu’il soit docile et qu’il soit modeste. Qu’il réduise ses souhaits, et qu’il apaise ses révoltes. Le suprême géomètre nous laisse apercevoir quelques rouages extérieurs de l’horloge humaine, et mène par des ressorts inconnus les réponses forcées de son cadran. N’espérons point pénétrer ce mécanisme ; n’essayons point de démentir ces révélations.

Voilà les sceptiques à bas, les philosophes tancés, le sens commun vainqueur, la science réduite à deux faits inexplicables, la certitude transportée hors de nos prises, nos témérités réprimées, notre curiosité enchaînée, l’homme discipliné. La source de la théorie est visible. M. Royer-Collard est un amateur du bon ordre. Pratique et morale, sa philosophie a pour but non le vrai, mais la règle. À son insu, l’habitude et l’inclination le guident vers les doctrines qui nous courbent et qui nous retiennent. Il aime les barrières et il en pose. Il fait la police en philosophie.

Pour moi, j’avoue que je ne suis pas gendarme. Je ne pense pas qu’on doive se proposer pour objet la justification du sens commun et la réfutation du scepticisme. L’étude de la perception extérieure n’a qu’un but : la connaissance de la perception ex-