Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/86

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« les attirer[1], » élément ou ingrédient particulier, vraiment « inexplicable ou ineffable, lorsqu’on veut chercher des exemples et des moyens d’explications hors du fait même de la conscience. » Il n’y a point d’autre vue semblable ; et quand vous concevez d’autres forces, c’est d’après la vôtre et sur ce modèle que vous en formez la notion.

Une fois la force constatée et comprise, la nature s’ouvre et les sciences entrent en révolution. Par-dessous les faits et les lois que découvre l’expérience, se développe un monde. Les physiciens et les naturalistes, dit M. de Biran, ne font qu’effleurer la superficie des choses ; le fond leur échappe. Souverains des phénomènes, ils n’ont point de prise sur les substances ni sur les causes[2]. Ni le scalpel ni le thermomètre n’atteignent les forces productives, sources inconnues et profondes desquelles jaillit le flot brillant et changeant des apparences. Ce qu’ils appellent une loi n’est qu’un fait fréquent et vaste. Quoi qu’ils découvrent, ils ne font que passer du phénomène particulier au phénomène général. Tout leur effort est de réduire le nombre des faits, et leur science sera parfaite quand, au lieu de cent mille phénomènes, ils en auront un. Pour nous, nous pénétrons et nous percevons plus loin. Nous entrevoyons cet univers secret, le seul

  1. Rapports du physique et du moral, p. 24.
  2. Ibid., p. 26, 27.