Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/85

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un être réel et solide. C’est une plume. En dépit du sens commun, M. de Biran en a fait un bâton. N’importe ; nous l’admettons, puisqu’il le veut : en philosophie on admet tout. Reste un point : comment connaissons-nous cette force ? Je veux mouvoir mon bras, et je le meus. Il y a là, dit-il, une résolution de l’âme, un mouvement du corps, et une force qui attache le mouvement du corps à la résolution de l’âme ; j’aperçois à la fois et directement ces deux faits et leur rapport. Ce rapport n’est point connu par raisonnement, au moyen d’un axiome étranger. Ce rapport n’est point connu par expérience répétée, au moyen d’une généralisation préalable. Il est aperçu en lui-même, et il est aperçu du premier coup. Nous ne le déduisons pas, en posant l’axiome de raison suffisante. Nous ne l’induisons pas, en notant les cas nombreux où le mouvement suit la résolution. Nous l’observons dès l’abord, en face, par la conscience, comme un plaisir, une idée ou tout autre fait intérieur. Le cas est unique. Partout ailleurs nous ne faisons que deviner la force : ici nous apercevons la force ; partout ailleurs, quand deux faits s’accompagnent, nous n’observons que les deux faits et leur concours ; ici, par une exception merveilleuse, nous découvrons encore « ce je ne sais quoi qui s’applique aux corps, pour les mouvoir, les pousser,