Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/88

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connaissance du petit monde a donné la connaissance du grand monde. En découvrant la nature du moi, M. de Biran a révélé la nature du tout.

Voilà sa construction ; elle est vaste. Mais elle repose sur un seul pilier. Si le pilier est vermoulu, tout l’édifice croule. Si la force n’est pas un être, le monde n’est plus un système de forces. Touchons ce pilier, examinons cette force. J’ai exposé assez longtemps ; à présent je vais réfuter.


III


Vous voilà assis dans un fauteuil ; la chambre est fraîche ; il y a des fleurs auprès de vous ; vous êtes à votre aise. Mais vous vous ennuyez, vous voyez le beau temps par les fenêtres, et vous songez à sortir. Les fleurs, la fraîcheur de la chambre, l’ennui de bâiller seul, la gaieté du ciel, toutes ces idées, avec tous leurs détails, passent et reviennent dans votre tête, agréables ou fâcheuses, avec des commencements et des chocs de désirs contraires ; tout à coup vous apercevez un volume nouveau, les Contemplations de Victor Hugo. Voilà une raison majeure, une idée prépondérante, une tendance décisive. Vous vous renfoncez dans votre fauteuil, vous croisez les jambes, et vous lisez. Qu’y a-t-il de nouveau en vous ? Au lieu de ten-