Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/90

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sieurs fois que je me souvenais : donc je puis me souvenir ; donc j’ai le pouvoir ou la faculté de me souvenir, ou la mémoire. J’ai remarqué plusieurs fois que je prenais une résolution : donc je puis me résoudre ; donc j’ai le pouvoir ou la faculté de me résoudre, c’est-à-dire la volonté. Le mot pouvoir n’est qu’un moyen de grouper ensemble une multitude indéfinie d’opérations semblables. Il exprime que la chute n’est pas contradictoire à la notion de la pierre, que le souvenir et la résolution ne sont pas contradictoires à la notion du moi. Il n’ajoute rien de nouveau ni de réel au moi ni à la pierre. Il ne fait qu’analyser l’expérience. Il constate que deux faits étant liés, cette liaison n’est pas absurde. Il extrait une vérité contenue dans l’enceinte du fait, et n’extrait rien au delà. Il ne désigne donc point un être continu et stable, situé en dehors du fait, et qui dure auparavant et après. Il ne désigne point le moi ou l’âme, mais une classe d’opérations de l’âme. Le moi n’est point la volonté, non plus que la volition.

Répondra-t-on enfin que la force efficace par laquelle la résolution contracte le muscle est un être ? Ici l’adversaire se contredit par sa propre réponse. Quand on dit : force efficace de la résolution, on entend que cette force efficace est une qualité ou propriété de la résolution. Or, la beauté, la grandeur, la force, toutes les qualités, toutes les propriétés