Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/108

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tout à son aise. Elle savoit l’affaire, et l’a avoué à madame de Rambouillet. Comme elle y alloit avec sa belle-mère, le Roi, pour la voir en passant, se déguisa en postillon, et avec M. de Beneux, qui feignoit d’aller voir une belle-sœur en ces quartiers-là, passa auprès du carrosse, où M. de Beneux fut quelque temps à parler. Quoique le Roi eût une grande emplâtre sur la moitié du visage, il fut pourtant reconnu de l’une et de l’autre[1]. Madame la Princesse et sa belle-mère[2] furent quinze jours à Roucy, où la comtesse de Roucy, parente de M. le Prince par son mari, fils d’une héritière de Roye, leur prêta quatre mille écus pour leur voyage, et depuis, quand la belle-mère fut revenue de Flandre, elle la défraya à Paris.

Madame la Princesse fit bien pis que cela, car elle se laissa persuader de signer une requête pour être démariée. Le Roi avoit obligé ses parents à dresser cette requête, et le connétable étoit un lâche qui croyoit que cette amour du Roi le combleroit de trésors et de dignités. Les gens de madame la Princesse, qui étoit fort jeune, lui faisoient accroire qu’elle seroit reine. Voyez quelle apparence il y avoit : il eût donc fallu empoisonner la reine Marie de Médicis, car elle avoit des enfants. M. le Prince n’a jamais pu pardonner à sa femme d’avoir signé cette requête. Enfin, il s’enfuit avec elle à Bruxelles, où il ne se trouva pas trop en sû-

  1. Cette anecdote est racontée avec des différences dans les Mémoires de Fontenay-Mareuil, tom. 50, pag. 16 de la première série de la collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, et dans les Mémoires des Lenet, tom. 53, pag. 139 de la deuxième série de la même collection.
  2. Charlotte-Catherine de La Trémouille, veuve de Henri de Bourbon, prince de Condé.