Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/154

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cela fâcheroit M. de La Force s’il le savoit. Quoi qu’il en soit, les boyaux se rétrécirent, et elle en mourut.

Cette femme n’a jamais été très-raisonnable ; elle se prenoit fort pour une autre. Elle vit un jour dans un almanach : Mort d’un grand. « Hélas ! dit-elle, Dieu sauve mon père ! » Une fois, en voulant passer sur je ne sais quelle palissade, elle se fourra un pieu où vous savez. Ce pieu n’adressa pas pourtant si bien qu’elle n’en fût blessée. Elle vouloit, par une ridicule pruderie, que son mari la pansât, afin que le chirurgien ne vît rien ; il s’en moqua, et lui dit qu’elle allât se faire panser. Elle fit de si terribles lamentations sur la mort d’une fille bossue qui lui mourut, qu’on eût dit qu’elle avoit tout perdu ; cependant elle avoit encore alors deux garçons et deux filles. Son mari mourut avant ses fils ; c’étoit un homme assez fichu. Elle portoit son portrait couvert d’un crêpe noir dans son sein. Par ses grimaces elle s’étoit acquis la réputation d’une sainte. Une dame de Bretagne, dont j’ai oublié le nom, avoit fait mettre le portrait de son second mari au dos du premier dans une même boîte, et pleuroit encore tous les jours le défunt. Feu madame de La Case ôta de la chambre le portrait de son premier mari, M. de Courtaumer, quand elle se remaria avec La Case, frère de mademoiselle de Pons. Sa fille lui dit : « Hé ! maman, hé ! maman, que je le baise encore avant que vous l’ôtiez. » Elle disoit pour ses raisons que La Case étoit parent du Roi. Il étoit de la maison de Pons.

Le bon homme avoit voulu épouser auparavant la veuve d’un M. de La Forest, de Normandie, homme de qualité. Cette femme étoit de Montgommery, mais un peu trop galante pour un vieux Ro-