Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/186

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disoit que c’étoit une bride de cheval attachée avec une aiguillette.

Un homme de robe de fort bonne condition lui apporta d’assez mauvais vers qu’il avoit faits à la louange d’une dame, et lui dit, avant que de les lui lire, que des considérations l’avoient obligé à les faire. Malherbe les lut d’un air fort chagrin, et lui dit : « Avez-vous été condamné à être pendu, ou à faire ces vers ? car, à moins que de cela, on ne vous le sauroit pardonner. »

Il se prenoit pour le maître de tous les autres, et avec raison. Balzac, dont il faisoit grand cas, et de qui il disoit : « Ce jeune homme ira plus loin pour la prose que personne n’a encore été en France, » lui apporta le sonnet de Voiture pour Uranie, sur lequel on a tant écrit depuis. Il s’étonna qu’un aventurier, ce sont ses propres termes, qui n’avoit point été nourri sous sa discipline, qui n’avoit point pris attache de lui, eût fait un si grand progrès dans un pays dont il disoit qu’il avoit la clef[1].

Il ne vouloit point qu’on fît des vers en une langue étrangère, et disoit que nous n’entendions point la finesse d’une langue qui ne nous étoit point naturelle ; et, à ce propos, pour se moquer de ceux qui faisoient des vers latins, il disoit que si Virgile et Horace revenoient au monde, ils donneroient le fouet à Bourbon[2] et à Sirmond[3].

  1. Omis par Racan.
  2. Nicolas Bourbon, dit le Jeune, dont les Œuvres furent recueillies en 1630, sous le titre de Poematia, et qui fut appelé en 1637 à l’Académie françoise, quoiqu’il n’eût jamais écrit d’une manière un peu supportable qu’en latin.
  3. Sirmond (Jean), également de l’Académie françoise, avoit com-