Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au côté et le manteau sur les épaules : « Si vous vouliez me reprendre, ajouta-t-il, madame, je vous servirois ainsi. » Cela lui sembla beau, et elle le reprit pour être servie comme une duchesse. Je m’étonne qu’elle ne prît aussi un dais et un cadenas[1], car son maître-d’hôtel lui eût aussi bien donné cela que le reste.

Elle vouloit avoir bien des connoissances et les entretenoit soigneusement ; aussi vouloit-elle qu’on lui rendît la pareille. Un jour qu’elle avoit pris l’extrême-onction (car elle la prenoit assez brusquement) et n’étoit pas trop malade, tout-à-coup elle appelle une de ses femmes, et lui demande si madame la marquise de Rambouillet avoit envoyé savoir de ses nouvelles durant sa maladie ; regardez si cela s’accorde avec l’extrême-onction.

À propos de cela, on m’a dit qu’un cavalier, je pense que c’est Grillon[2], comme on lui vouloit donner l’extrême-onction, dit qu’il n’en vouloit point ; que c’étoit un sacrement de bourgeois.

Le cardinal de Sourdis (frère du marquis), en courant la poste, prit l’extrême-onction à Tours, et repartit l’après-dîner. Cette fois-là, on eut raison de dire qu’on lui avoit graissé ses bottes[3]. Une bonne femme, dans la rue Quincampoix, comme on la lui donnoit, dit à sa servante : « Une telle, ayez soin de faire boire ces messieurs. »

  1. Le cadenas étoit une espèce de coffret d’or ou de vermeil, où l’on mettoit le couteau, la cuillère, la fourchette, etc., dont on se servoit à la table des rois et des princes. (Dict. de Trévoux.)
  2. Ou Crillon.
  3. Il avoit été fait cardinal par la faveur de madame de Beaufort, en la place du maréchal d’Estrées. (T.)