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daret, un des frères de sa mère, devint passionnément amoureux d’elle. Cet oncle la porta, plus que personne, à demander la dissolution de son mariage, et lui fit raison de ce qu’elle prétendoit. Après, le procès étant commencé, il l’accompagna à Castres, où on reconnut bientôt qu’il en étoit fort jaloux. Il falloit pourtant bien qu’il souffrît qu’elle fût cajolée, car elle ne s’en pouvoit passer, et ne marchoit point sans une foule d’amants, entre lesquels il y en avoit trois plus assidus que les autres : le baron de Marcellus, jeune gentilhomme de qualité, de la basse Guyenne, qui étoit à Castres pour un procès ; Rapin, jeune avocat plein d’esprit, et Ranchin, aujourd’hui conseiller à la chambre. Ce Ranchin a fait beaucoup de vers[1].

Elle parloit avec une liberté extraordinaire de sa beauté et de ses mourants[2] ; on la voyoit aller par la ville bizarrement habillée ; car quelquefois on lui a vu un habit de gaze, dans laquelle elle faisoit passer toutes sortes de fleurs, depuis le haut jusqu’au bas, et je vous laisse à penser si son mourant Ranchin manquoit à l’appeler Flore. Elle dit assez plaisamment à un garçon nommé Cayrol[3], qui lui promettoit de faire des vers sur elle, qu’elle ne prétendoit pas lui servir de porte-feuille. Elle disoit les choses fort agréablement ; mais ses lettres ne répondoient pas

  1. Ranchin étoit conseiller à la chambre de l’édit. Ses poésies, négligées, mais faciles, n’ont pas été réunies. On lui attribue le joli triolet qui commence par ces vers :

    Le premier jour du mois de mai
    Fut le plus heureux de ma vie.

  2. Ses amants, se mourant d’amour.
  3. Ce Cayrol est ici, et fait des vers pour attraper quelque chose du cardinal. (T.)