Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/317

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à Desnoyers à parler, il dit : « Messieurs, depuis soixante ou quatre-vingts ans que ces arrêts sont rendus, personne ne s’est avisé de prendre requête civile à l’encontre ; et pourtant voyons quels gens ont été avocats du Roi depuis ce temps-là. Il y a eu M. Marion, M. etc., etc. Ago tibi gratias, Domine, continua-t-il, qui ista abscondisti sapientibus, et revelasti parvulis. » Tout le monde se mit si fort à rire, qu’il lui fut impossible de poursuivre, et il fallut remettre la cause au lendemain.

Un autre avocat plaidoit pour la veuve d’un homme qui avoit été tué d’un coup d’arquebuse, et dans sa narration il fit la posture d’un homme qui en couche un autre en joue. Le premier président de Harlay lui dit : « Avocat, haut le bois, vous blesserez la cour. »

Un avocat en plaidant se mit à parler d’Annibal, et étoit fort long-temps à lui faire passer les Alpes : « Hé, avocat, lui dit-il, faites avancer vos troupes. »

À un autre, qui parloit de la multitude de chevaux qu’avoit Xercès : « Dépêchez-vous, lui dit-il, avocat, cette cavalerie fourragera tout le pays. »

J’ajouterai quelque chose du président de Harlay.

M. Fortia ne vouloit pas qu’il fût de ses juges en une certaine affaire, et, par l’avis de M. Forget, lui alla chanter des injures, afin qu’il lui en dît aussi, et qu’on eût lieu de le récuser. Le président le laissa dire, et ne dit jamais autre chose, sinon : « Jésus-Christ ! » Fortia de retour, Forget lui demande le succès. « Il n’a rien fait, dit-il, que dire Jésus-Christ ! Jésus-Christ ! — T’es le diable, dit Forget ; il te connoît bien. » On disoit que Fortia étoit de race de Juifs.

Une fois Fortia avoit vendu du bien d’Église. Le pre-