Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/318

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mier président lui dit : « Puisque vous avez vendu le corps, vous pouvez bien vendre les biens[1]. »

Le Clerc, surnommé Torticoli, conseiller aux requêtes, étoit fort son ami, et pria qu’on le voulût ouïr en un procès qu’il avoit. « Tu diras quelque sottise, lui dit le président. » Il vient. « Messieurs, dit-il, mon grand-père, mon père et moi sommes décidés à la poursuite de cette affaire. — Monsieur Le Clerc, dit le président, Dieu vous fasse paix ; je le disois bien que vous diriez quelque sottise. »

M. de Kerveno, gentilhomme breton, dit au feu Roi : « Sire, mes ancêtres et moi sommes tous morts au service de Votre Majesté. »

M. de Harlay ouvroit toujours l’audience à sept heures en été, et l’hiver avant huit. Il renvoyoit à l’expédient[2] toutes les causes qu’il pouvoit y renvoyer, et pour le reste il en paraphoit deux pages, et faisoit dire aux procureurs des communautés : « Chargez vos avocats, car je prendrai ces feuilles, tantôt par le bout, tantôt par le milieu. » C’étoit un grand justicier.

Martinet, plaidant pour une mère, la comparoit à la brebis d’Ésope que le loup, qui étoit au-dessus d’elle, accusoit de troubler l’eau. Gaultier, en lui répliquant, commença ainsi : « Messieurs, on nous vient faire ici des contes au vieux loup. » Ce Gaultier dit que, pour se rendre immortel, il veut faire imprimer deux cents

  1. Cette erreur a déjà été réfutée. (Voyez la note page 193 de ce volume.)
  2. L’expédient étoit un arbitrage sommaire auquel on renvoyoit les causes d’une légère discussion. On obligeoit ainsi les avocats à en passer par l’avis d’un confrère plus ancien.