Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/374

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Le duc dit à l’oreille au maréchal de La Meilleraye : « Qui est ce fat de cordon bleu ? » Le maréchal lui dit : « C’est une espèce de fou, ne vous arrêtez pas à ce qu’il dit. — Pourquoi l’a-t-on donc fait cordon bleu ? — Il n’étoit pas si extravagant en ce temps-là. »

Le cardinal, qui avoit alors besoin de la cour de Rome, envoya l’évêque de Chartres, Valançay, trouver un vieux docteur de Sorbonne nommé Filesac[1], et lui dit, de la part de Son Éminence, qu’on le prioit d’examiner telle et telle affaire, et de voir en quoi on pouvoit gratifier le pape. Ce bon homme lui répondit : « Monsieur, j’ai passé quatre-vingts ans pour examiner ce que vous me proposez : il me faut six mois, car je serai obligé de revoir six gros volumes de recueils que voilà ! — Bien, dit le prélat, je reviendrai dans le temps que vous me marquez. » Ce terme échu, M. de Chartres retourne : le vieillard lui dit : « On a bien des incommodités à mon âge ; je n’ai pu lire encore que la moitié de mes recueils. » Le prélat voulut gronder et l’intimider. « Voyez-vous, lui répondit-il, monsieur, je ne crains rien. Il n’y a pas plus loin de la Bastille au paradis que de la Sorbonne : vous faites un métier bien indigne de votre rang et de votre naissance ; vous en devriez mourir de honte. Allez, et ne remettez jamais le pied dans ma chambre. » Un autre, nommé Richer[2], pro-

  1. Jean Filesac, docteur de Sorbonne, et curé de Saint-Jean en Grève, mourut en 1638. Il a laissé un assez grand nombre d’ouvrages, écrit sans méthode, mais pleins de recherches.
  2. Edmond Richer, docteur de Sorbonne, principal et supérieur du collége du cardinal Le Moine, a été un des plus zélés défenseurs de nos libertés gallicanes ; il résista courageusement au nonce Ubaldini et au