Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/84

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Languedoc. En ce temps-là, un certain colonel Alard, piémontais, vint faire des recrues en Dauphiné. Elle en fut cajolée, mais non pas aussi ouvertement qu’elle l’avoit été auparavant par M. de Nemours, qui lui fit mille galanteries, durant un voyage que M. de Lesdiguières avoit été obligé de faire en Picardie. Or comme elle ne pensoit qu’à devenir femme de M. de Lesdiguières, et que la vie de son mari étoit un obstacle insurmontable, elle persuada à ce colonel de l’assassiner ; ce qu’il fit en cette sorte.

Le drapier, ayant abandonné son commerce, s’était retiré aux champs depuis quelques années, en un lieu appelé le Port de Gien, dans la paroisse de Mellan, à une petite lieue de Grenoble. Le colonel monte à cheval, accompagné d’un grand valet italien à pied ; il arriva de bonne heure en ce lieu, et ayant rencontré un berger, il lui demanda la maison du capitaine Clavel. Le berger lui dit qu’il ne connoissoit personne de ce nom-là, mais que s’il demandoit la maison de sire Mathel, c’était une de ces deux qu’il voyoit seules assez près de là. Le colonel le pria de l’y conduire, afin que le berger lui montrât l’homme qu’il cherchoit, car il ne le connoissoit pas. Ils n’eurent pas fait beaucoup de chemin que le berger lui montra le drapier qui se promenoit seul le long d’une pièce de terre ; le colonel le remercia, lui donna pour boire et le renvoya. Après il va au marchand, et le jette par terre d’un coup de pistolet qu’il accompagne de quelques coups d’épée, de peur de manquer à le tuer.

La justice fit prendre le valet du mort et une servante qui étoit sa concubine, avec le berger qui raconta toute l’histoire, sans pouvoir nommer le meur-