Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/95

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madame, répondit-elle, les ducs en portent[1]. » La Reine, oyant cela, se mit à rire, et dit à la duchesse : « Eh bien ! n’eussiez-vous pas mieux fait de me croire ? »

J’ai ouï faire un conte de la reine Marguerite qui est fort plaisant. Un gentilhomme gascon, nommé Salignac, devint, comme elle étoit encore jeune, éperdument amoureux d’elle ; mais elle ne l’aimoit point. Un jour, comme il lui reprochoit son ingratitude : « Or çà, lui dit-elle, que feriez-vous pour me témoigner votre amour ! — Il n’y a rien que je ne fisse, répondit-il. — Prendriez-vous bien du poison ? — Oui, pourvu que vous me permettiez d’expirer à vos pieds. — Je le veux, » reprit-elle. On prend jour ; elle lui fait préparer une médecine fort laxative. Il l’avale, et elle l’enferme dans un cabinet, après lui avoir juré de venir avant que le poison opérât ; elle le laissa là deux bonnes heures, et la médecine opéra si bien que, quand on vint lui ouvrir, personne ne pouvoit durer autour de lui. Je crois que ce gentilhomme a été depuis ambassadeur en Turquie.

  1. Madame de Retz étoit galante. (T.) — Ménage, qui croyoit cette anecdote plus récente, la rapporte ainsi : « Madame Loiseau, bourgeoise, étoit à Versailles. Le Roi, voyant qu’elle s’avançoit fort près du cercle, dit à madame la duchesse de *** : « Questionnez-la un peu, madame. » Madame la duchesse de ***, l’ayant fait approcher, lui dit : « Madame, quel est l’oiseau le plus sujet à être cocu ? » Elle lui répondit : « C’est un duc, madame. » (Ménagiana, édition de 1762, tom. I, pag. 264.)