Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/100

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cédé qui permet de décider de la vérité ou de la fausseté de cette hypothèse.

Il est inutile de discuter par le menu toutes les erreurs analogues ; bornons-nous donc, tout en indiquant les sources, à exposer l’ensemble du système d’après la restitution de Teichmüller[1].

Le phénomène le plus saillant dans le monde, dans le ciel, l’οὐρανός, comme disait Anaximandre[2], c’est sans contredit le mouvement de révolution diurne qui l’emporte suivant une invariable période. Or l’expérience nous apprend que, dans un pareil mouvement circulaire, les corps les plus denses se portent au centre, les plus légers à la circonférence, ce qui concorde avec ce fait que la terre où nous sommes et l’eau qui l’entoure nous apparaissent comme au centre, dans la partie qui échappe à l’infatigable tour-billon, tandis que les feux célestes brillent au delà de l’air que nous respirons. D’autre part, la chaleur est liée au mouvement, le froid à l’immobilité, ce qui établit une nouvelle concordance, si l’on veut voir dans le mouvement diurne la raison première de la distribution qui existe dans l’univers. Voilà les données empiriques sur lesquelles Anaximandre va construire son système.

Le mouvement circulaire est éternel, plus ancien que l’eau (de Thalès)[3] ; c’est lui qui engendre et détruit toutes choses (5).

Source du chaud et du froid (3) (10), il a d’ailleurs commencé à rejeter à son centre et laissé dès lors échapper à sa loi la masse qui a formé notre terre, puis l’atmosphère dont elle est enveloppée ; il s’est concentré tout autour dans une sphère creuse qui s’est enflammée. Cette sphère s’est formée comme l’écorce autour d’un arbre ; mais la continuité du mouvement et de l’effet centrifuge l’a brisée en couches successives et celles-ci, enveloppées par l’air entraîné dans l’explosion, se sont réduites à des anneaux[4] concentriques (3).

Dans ces anneaux, ainsi constitués en somme par les parties de l’air les plus dilatées et les plus ténues, leur séparation des parties

  1. Studien zur Geschichte der Begriffe, Berlin, Weidmann, 1871, p. 1-70, 547-578. — Neue Studien zur Geschichte der Begriffe, II, Gotha, Perthes, 1878, p. 273-279.
  2. Il semble aussi avoir (1) (2) employé l’expression de monde (κὀσμος) avant les Pythagoriens, auxquels on l’a attribuée ; mais il paraît l’avoir entendue dans un sens plus restreint et regardé le cosmos comme intérieur à l’ouranos.
  3. Si Thalès n’a pas écrit sur la nature, il est possible que ce soit par la contradiction d’Anaximandre que ses opinions aient été connues.
  4. Dans l’hypothèse de Laplace, la production des anneaux de Saturne s’explique d’une manière tout à fait comparable.