Page:Tcheng Kitong - Le Theatre des Chinois, 1e ed. Calmann Levy, 1886.djvu/226

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— Mon fils, tu ne sais pas que cette maladie m’est venue d’un accès de colère. Un de ces jours, ayant envie de manger du canard rôti, j’allai au marché, dans cette boutique-là que tu connais. Justement on venait de rôtir un canard d’où découlait le jus le plus succulent. Sous prétexte de le marchander, je le prends dans ma main, et j’y laisse mes cinq doigts appliqués jusqu’à ce qu’ils soient bien imbibés de jus. Je reviens chez moi sans l’acheter, et je me fais servir un plat de riz cuit dans l’eau. A chaque cuillerée de riz, je suçais un doigt. A la quatrième cuillerée, le sommeil me prit tout à coup, et je m’endormis sur ce banc de bois. Ne voilà-t-il pas que, pendant mon sommeil, un traître chien vient me sucer le cinquième doigt. Quand je m’aperçois de ce vol à mon réveil, je me mets en une telle colère, que je tombai malade. Je sens que mon mal empire de jour en jour ; je suis un homme mort. Allons, il faut que j’oublie un peu mon avarice et que je me mette en dépense. Mon fils, j’aurais envie de manger de la purée de fèves.