Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/208

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Après tout, que ce soit un simple motif d’ornement employé par l’artiste pour signer ses œuvres ou que ce soit son portrait qu’il fit graver avec la prétention d’en décorer ses livres, cette fameuse tête, qui nous apprendrait dans le dernier cas qu’il était assurément fort laid, n’en indique pas moins de toutes façons que les reliures sur lesquelles elle figure sont incontestablement de Florimond Badier ! D’une exécution remarquable, et on l’a reconnu hautement du moment qu’on les attribuait à celui qui passe pour le plus grand maître de son temps, elles ne perdront rien de leur valeur à ne plus être prises pour des Gascon !

Toutes les reliures où apparaît cette même tête étant, on n’en saurait douter désormais, de Florimond Badier, il en résulte que le praticien dont nous parlions tout à l’heure lui a opposé ses propres œuvres pour nier son talent et que, tout en croyant anéantir sa célébrité, il ne lui rendait pas moins, à son insu, la justice la plus éclatante.

Ces charmants volumes au chiffre des Dupuy, notamment le Paradisus animæ christianiæ , exposé à la Bibliothèque nationale sous le n° 643 (voy. pl.XX), la Vie du cardinal de Berulle aux armes de Séguier, de la collection du baron de Rothschild ; en un mot, tous ces volumes sur lesquels s’étale le symbole inexpliqué jusqu’ici, qui n’est, c’est sûr, que la marque du pauvre Badier, ont donc été attribués à tort au Gascon ? Il est évident que d’autres reliures, non revêtues cependant du précieux profil, mais conçues dans le même style et d’une exécution identique aux volumes signés et à tête devront être rendues à leur auteur véritable. C’est ce qui arrivera pour quantité de volumes, entre autres pour l’Adonis de La Fontaine, manuscrit de Jarry, appartenant à M. Eug. Duluit ; cette reliure, quoique sans la moindre petite figure, ne saurait être attribuée, pour peu que la comparaison soit sincère et faite sans parti pris, ni au Gascon ni à d’autres, mais seulement au même Florimond Badier.

Enfin tous les volumes à tête étant de notre artiste serviront maintenant à faire reconnaître ses autres œuvres sur lesquelles il ne la poussa pas. Qu’elles soient composées dans le système des entrelacs ou dans celui des encadrements intérieurs, ses pointillés lui sont trop personnels pour qu’on s’y trompe désormais, surtout si, étant de bonne foi, on tient compte, sans les exagérer, des inégalités d’exécution provenant de causes diverses comme il s’en remarque souvent dans les productions des meilleurs maîtres.

L’œuvre de Badier peut se diviser en trois catégories : les deux premières inspirées du style des entrelacs de la fin du xvie siècle dont il semble avoir été le rénovateur, mais en remplaçant, dans les entrelacs, les branchages et autres ornements de cette époque par des rinceaux à palmettes entièrement au pointillé. Il y avait la catégorie riche (pl. XX) et la simple (pl. XXI), suivant que ces pointillés couvraient plus ou