Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/23

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s’enquérir si quelqu’un n’étant pas juré exerçoit la profession de libraire ou stationnaire, auquel cas ils percevaient des droits sur ces libraires non jurés ».

Au point de vue spécial de l’exercice de la reliure, il serait donc assez difficile de dire avec certitude en quoi consistait le rôle des deux relieurs jurés, choisis vraisemblablement parmi les plus habiles et les plus occupés. Il n’est pas douteux toutefois qu’ils avaient à faire des visites domiciliaires chez leurs confrères, afin d’inspecter si le travail se faisait convenablement et si on n’y reliait aucun livre défendu par l’Université. N’ayant du reste, jusqu’à la fin du xve siècle, que de très rares renseignements sur les libraires et surtout sur les relieurs, il n’y aurait guère à ajouter aux noms que nous avons déjà cités que ceux de Guillaume d’Ingouville, relieur de la Chambre des Comptes de Paris en 1430, qui fut remplacé par son parent (son fils peut-être) Gustave d’Ingouville, auquel Guillaume Ogier succéda. Lors de sa nomination, le 30 juillet 1492, ce dernier « a dit et affirmé par serment qu’il ne scet lire ne escrire, » ce qui confirme ce qu’Étienne Pasquier avait avancé sur l’ignorance obligée du relieur de la Cour des Comptes. Cependant cette ignorance était-elle rigoureusement obligatoire ? Il est permis d’en douter, car nous avons eu entre les mains une quittance autographe, d’une calligraphie remarquable, datée du 22 mars 1430 (1431) et signée du premier des trois relieurs nommés ci-dessus ; ce qui prouve qu’au moins celui-ci pouvait lire et écrire, et même très bien. Cette pièce se terminait ainsi : « De laquelle somme je tiens quitte le Roy nostre Sire et tous aultres, tesmoing mon saing manuel cy mis, etc. Guillaume d’Ingouville[1]. »

Les relieurs de la Cour des Comptes étaient plutôt des papetiers que des relieurs proprement dits ; ils fournissaient les papiers de comptabilité, les registres et les fournitures de bureau.

  1. Cette quittance se trouvait au bas d’un compte se montant à 49 sols 4 deniers, pour avoir relié un compte de la terre de Bray-sur-Seine, un livre de confiscations, les tailles de Ponthieu, les aides de Beauvais, la chambre aux deniers et la trésorerie de la Reyne (Isabeau de Bavière), etc. ; elle appartenait, en 1384, à M. Voisin, libraire, qui a bien voulu nous autoriser à l’étudier.