Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/200

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l’antichambre, il répondit en se détournant :

— « C’est déjà le sixième jour qu’elle ne quitte plus sa chambre à coucher. »

Milka qui, je l’ai su après, du premier jour où maman tomba malade, n’avait cessé de gémir, sauta joyeusement vers mon père, poussa des cris, lui lécha les mains ; mais père la repoussa et entra au salon et de là dans le divan dont la porte conduisait directement dans la chambre à coucher. Plus il s’approchait de cette chambre, plus aux mouvements de son corps, on remarquait son inquiétude ; en entrant dans le divan, il marchait sur la pointe des pieds, respirait à peine et se signa avant de se décider à toucher le bouton de la porte fermée. En ce moment Mimi, échevelée et tout en pleurs, accourut du corridor.

« Ah ! Piotr Alexandrovitch ! » — chuchota-t-elle, avec l’expression d’un vrai désespoir, et remarquant que père tournait le bouton de la porte, elle ajouta très bas : « On ne peut pas entrer par là, il faut passer par l’autre porte. »

Oh ! quelle impression d’angoisse fit tout cela sur mon imagination enfantine, préparée à un malheur par un pressentiment terrible !

Nous entrâmes dans la chambre des bonnes. Dans le corridor, nous trouvâmes l’idiot Akim, qui nous amusait toujours par ses grimaces ; mais en ce moment, non seulement il ne semblait pas risible, mais rien ne me fit tant de mal que de