Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/201

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voir son visage stupide, indifférent. Dans la chambre des bonnes, deux filles, occupées d’un travail quelconque, se levèrent pour nous saluer, avec une expression si lugubre que j’en fus effrayé. Après avoir traversé la chambre de Mimi, papa ouvrit la porte de la chambre à coucher et nous entrâmes. À droite de la porte, il y avait deux fenêtres, voilées par des châles. Près de l’une d’elles était assise Natalia Savichna ; ses lunettes sur le nez, elle tricotait un bas. Elle ne se leva pas pour nous embrasser, comme elle en avait l’habitude, mais elle se souleva, regarda par-dessus ses lunettes, et ses larmes coulèrent en abondance. Il m’était très pénible que tous, en nous voyant, se missent à pleurer, alors qu’auparavant ils étaient tout à fait calmes. À gauche de la porte il y avait un paravent derrière lequel se trouvaient le lit, une petite table, une petite commode couverte de remèdes et un grand fauteuil dans lequel sommeillait le docteur ; près du lit se tenait une jeune fille blonde d’une remarquable beauté, elle était en peignoir blanc du matin, et les manches un peu relevées, elle mettait de la glace sur la tête de maman, que je ne voyais pas en ce moment. Cette demoiselle était la Belle Flamande, dont maman avait parlé, et qui, plus tard, joua un rôle si important dans la vie de toute notre famille. Aussitôt que nous entrâmes, elle ôta une de ses mains de la tête de maman, rajusta sur sa poitrine les plis