Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/37

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On dirait que n’existèrent jamais ni Voltaire, ni Montaigne, ni Pascal, ni Swift, ni Spinoza, ni tant d’autres écrivains qui dénoncèrent avec une très grande force l’insanité, l’inutilité de la guerre, et dépeignirent sa cruauté, son immoralité, sa sauvagerie, et, principalement, que n’existèrent jamais Christ et son enseignement sur la fraternité des hommes, et l’amour envers Dieu et envers les hommes.

On se rappelle tout cela, on regarde autour de soi ce qui se passe maintenant, et on éprouve de l’horreur, non plus devant les atrocités de la guerre, mais devant le plus terrible de tout : devant la conscience de l’impuissance de la raison humaine.

Ainsi, ce qui distingue uniquement l’homme de l’animal, ce qui fait sa particularité, — la raison, — est donc quelque chose d’inutile, non pas même inutile, c’est quelque chose de nuisible qui rend plus difficile toute activité, comme la bride qui, se détachent de la tête du cheval, s’emmêle dans ses pieds et ne fait que l’agacer.

On comprend qu’un païen, un Grec, un Romain, même un chrétien du moyen âge, qui ne connaissait pas l’Évangile et croyait aveuglément à toutes les prescriptions de l’Église, pouvaient guerroyer et, ce faisant, s’enorgueillir de leur titre de guerrier. Mais comment un