Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/128

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sortait entre les tempes bien peignées artistement unies à la perruque qui couvrait sa calvitie, était aujourd’hui particulièrement froid et immobile. Les yeux, toujours ternes, étaient aujourd’hui plus ternes encore qu’à l’ordinaire. Les lèvres pincées au-dessous des moustaches relevées, les joues grasses, fraîchement rasées, soutenues par le col très haut, les favoris régulièrement enroulés comme de petites saucisses, le menton également soutenu par le col, tout concourait à donner à son visage une expression de mécontentement et même de colère.

La raison de cette humeur était la fatigue ; et la cause de cette fatigue était que, la veille, il était allé au bal masqué où, comme à son ordinaire, il s’était promené, coiffé de son casque de chevalier-garde surmonté d’un oiseau, parmi le public qui se pressait pour le voir, puis s’écartait timidement à l’approche de son énorme personne, pleine d’assurance. Là il avait rencontré de nouveau la femme masquée qui, au bal précédent, avait disparu après avoir excité en lui, par sa blancheur, son beau corps et sa voix tendre, sa sensualité sénile. Elle lui avait promis de revenir au prochain bal masqué. Hier, elle s’était approchée de lui, et, cette fois, il ne l’avait plus lâchée. Il l’avait menée dans cette loge spécialement aménagée dans ce but, et où il pouvait rester en tête à tête avec sa dame. Arrivé sans mot dire à la porte de la loge, Nicolas avait regardé autour de lui, cherchant des yeux le valet, mais il n’était pas là. Nicolas, en fronçant le