Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/184

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très amicalement, le présenta au prince Bariatinski, et celui-ci l’invita au dîner d’adieu qu’il donnait à l’ancien chef du flanc gauche, son prédécesseur, le général Kozlovski.

Le dîner était splendide. On avait amené et installé une série de tentes, et, sur toute leur longueur, était disposée une table magnifiquement dressée. Tout rappelait la vie de la garde à Saint-Pétersbourg. À deux heures on se mit à table. Au milieu était assis, d’un côté Kozlovski et en face Bariatinski. Kozlovski avait à sa droite Vorontzoff, à sa gauche la femme de Vorontzoff. Tout le long, de chaque côté, avaient pris place les officiers du régiment de Kabardine et de Kourinsk. Boutler était assis à côté de Poltoradski ; tous deux bavardaient gaîment et buvaient avec leurs voisins. Quand on arriva au rôti, les ordonnances commencèrent à verser le Champagne. Poltoradski avec une véritable crainte et avec pitié dit alors à Boutler :

— Notre Kozlovski ne va pas pouvoir s’en tirer.

— Quoi ?

— Il doit faire un discours. Et que peut-il dire ? Oui, mon cher, ce n’est pas la même chose que de prendre un retranchement sous les balles. Et encore, à côté de lui, une dame, et ces messieurs de la cour. Vraiment, ça fait pitié de le voir, se disaient entre eux les officiers.

Le moment solennel était arrivé. Bariatinski se leva, prit sa coupe, et, s’adressant à Kozlovski,