Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/211

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Le ciel était si clair, l’air si pur, la force de la vie jouait si joyeusement dans l’âme de Nazaroff quand, ne faisant plus qu’un être avec son bon et fort cheval, il volait sur la route derrière Hadji Mourad, que la possibilité de quelque chose de tragique, de terrible, ne lui venait pas en tête. Il se réjouissait de ce que chaque bond le rapprochait de Hadji Mourad. Au bruit des sabots du grand cheval du cosaque qui se rapprochait de lui, Hadji Mourad calcula que bientôt on allait le rejoindre ; alors saisissant de la main droite son pistolet, de la main gauche il commença à retenir un peu son cheval de Kabardine qui s’excitait en entendant derrière lui le piétinement d’un autre cheval.

— Je te dis que ce n’est pas permis ! s’écria Nazaroff, rejoignant presque Hadji Mourad et tendant la main pour saisir son cheval par la bride. Mais avant qu’il ait eu le temps d’attraper la bride, un coup éclatait.

— Que fais-tu ? s’écria Nazaroff, en portant la main à sa poitrine. — Amis ! frappez-les ! cria-t-il, et, après quelques oscillations, il tomba sur l’arçon de sa selle.

Mais les montagnards avaient saisi leurs armes avant les cosaques, et tiraient sur eux des coups de pistolet et les frappaient de leurs sabres. Nazaroff était cramponné à l’encolure de son cheval, qui le portait auprès de ses camarades. Le cheval d’Ignatoff s’était abattu en lui brisant la jambe. Deux montagnards sortirent leurs sabres, et, sans des-