Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/102

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considérées comme pédestres, que comme rudes et aventureuses. Nous avions à cœur de la présenter une dernière fois dans son ensemble pour l’instruction des races futures. Toutefois, elle ne serait pas complètement présentée, et nous risquerions d’abuser en quelque degré les races futures, si nous ne faisions pas remarquer en terminant que trois conditions spéciales, et qu’il n’appartient pas à chacun de réaliser telles quelles, ont pu contribuer à rendre pour nous personnellement plus que pour d’autres ces excursions divertissantes ou animées. Nous allons, avant de nous mettre en route, énumérer ces trois conditions.

La première, c’est l’âge et le nombre des voyageurs qui nous accompagnent. Cet âge, celui de l’insouciante gaieté, de l’élastique vigueur, des rires folâtres, des sentiments ingénus et fleuris, comporte évidemment et assure les dispositions les plus favorables au plaisir ; celles aussi au milieu desquelles l’homme fait doit se complaire, si peu qu’il ait conservé l’amour de ce qui est vraiment aimable, et l’instituteur se trouve heureux si peu qu’il goûte, lui aussi, le charme des vacances, ou que, observateur intéressé des penchants et des caractères, il trouve son divertissement à les voir se produire et s’émanciper au grand air de la joie et de la liberté. À ce dernier égard, nous professons que vingt jours de cette vie commune, plus intime que la vie pédagogique, et tout aussi éducative quoique bien autrement rieuse, sont plus instructifs pour lui que vingt mois de classe. Nous professons que c’est là mieux qu’ailleurs qu’il dépend de lui, s’il veut bien profiter amicalement des événements, des impressions, des spectacles et des vicissitudes, de fonder de saines notions dans les esprits, de fortifier dans les cœurs les sentiments aimables et bons, tout comme d’y combattre, d’y ruiner à l’improviste, et sur le rasoir de l’occasion, tel penchant disgracieux ou mauvais. Ceci est une source de sollicitude quelquefois, d’amusement souvent, d’intérêt toujours ; mais, comme on le voit bien, ceci résulte d’une position toute spéciale. Quant au nombre, il entraîne avec lui l’animation, la variété d’entretien et de commerce, mais surtout et avant tout l’esprit de communauté, de colonie, c’est-à-dire d’aide mutuelle, de concours industrieux, d’organisation conçue d’avance ou improvisée au moment, en vue des petits, des faibles, des écloppés, et pas des grands seulement : car le plaisir du voyage dépend beaucoup de la sécurité du chef, fondée sur le bon état d’un chacun. De là activité, complaisance, dévouement, vigilance même de l’un à l’autre ; de là des accidents évités et des malaises prévenus ; de là enfin des mœurs et usages, des habitudes et instincts, le besoin en particulier de se chercher, de se suivre, de vivre