Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/107

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du côté de la pente ; si c’est en plaine, au lit, dans le foin, on laisse aller, on regarde, on est atteint, le branle est donné, et voilà vingt-deux voyageurs, un père de famille en tête, qui en sont à rire aux larmes, sans qu’aucun puisse bien dire ni comment, ni de quoi, ni à quelle cause, si ce n’est peut-être que Cramer Marc prétend que le nez de Simond Marc jouit d’un mouvement présumé en spirale ascensionnelle. Mais que l’on veuille bien remarquer à notre décharge qu’il en va ainsi communément. Les gros, les vrais rires, les rires à y rester, sont ordinairement les rires fous, c’est-à-dire sans objet, ou dont l’objet, par son adorable bêtise, est d’autant plus propre à épanouir la rate, qui, après tout, n’est pas le siège de l’esprit. On rit à la fois et de la chose, et de soi, et de l’autre, et de tout, et de rien, et si c’est niais sans doute, c’est royalement amusant.

Parmi cette troupe, il se rencontre des observateurs, pas beaucoup ; des naturalistes, point ; mais, par un hasard assez peu commun, des dessinateurs en quantité et de toute force, nous voulons dire de tous les degrés de force, à partir de ceux qui en sont à traduire les sites en mamelons arrondis, qui supportent trois maisons carrées, et un arbre touffu comme un peloton de fil, jusqu’à ceux qui, bégayant déjà la langue du pittoresque, en sont à rendre ci et là l’âpreté d’un roc, la grâce d’une broussaille ou la perspective d’une clôture. L’air alpestre apparemment, et aussi la célébrité des sites, surtout leur accessible simplicité lorsqu’ils sont réduits à n’être que des pentes opposées qui se rencontrent au fond d’une vallée nue, ont contribué à développer ce mouvement artistique,